Figure incontournable de l'art luxembourgeois actuel, récipiendaire du Prix Grand-Duc Adolphe en 2013 et 2015, Carine Kraus, née à Luxembourg, a intégré en 1968 l’École Cantonale des Beaux-Arts de Lausanne. Dès 1972, elle devient dans la même ville professeur d'éducation artistique. Deux ans plus tard, elle se forme au graphisme et au film animé à la Höhere Schule für Gestaltung de Bâle. De 1977 à 1981, elle exerce la profession de graphiste en communication visuelle à Paris avant de vivre et travailler à Munich jusqu'en 1983, date à laquelle elle décide de rentrer sur ses terres natales et de poser ses valises à Boudler.

Dès lors, elle se consacrera à sa production artistique et la dévoilera au public lors de nombreuses expositions personnelles et collectives au Luxembourg et à l'étranger. Au cours des années 90, elle effectue, afin de parfaire sa technique, des stages de lithographie à Urbino et à Trèves. Les qualités artistiques, esthétiques et techniques dont Carine Kraus emplit ses oeuvres sont indéniables. Peignant de grands tableaux, inspirés par les chorégraphies de danseurs et les gestes de figures en mouvement, qui s'approprient une situation spatiale étudiée, elle va s'ingénier à saisir l'instant et à épurer ses compositions.

Toujours condensées à l’essentiel, ses formes tiennent lieu de symboles entourés de champs colorés, de paysages abstraits ou de répertoires iconiques. Le flou, la texture, le pli, la ligne et la trace deviennent motifs. De ses créations se dégage une grande sérénité méditative et spirituelle. Elle exprime sa maîtrise de l'instant, de l'immatériel, du mouvant en oeuvrant sur la toile brute. Aérienne et libérée de son châssis, la toile peinte s'applique subtilement au mur comme un écran. L'osmose entre le sujet et son environnement prime.

Ce qui intéresse Carine Kraus est le langage du corps avant tout, sa manière de bouger, d'évoluer dans l'espace, d'habiter son contenant. Le vêtement est traduit avec des plis naturels, savants et sophistiqués en une touche quasi immatérielle. Ainsi, l'artiste nous invite à suivre son regard, à nous abîmer dans ses compositions où modestement elle fixe l'instant afin de le rendre pérenne et de combattre, en quelque sorte, l’indéfectible écoulement du temps et l'inéluctable condition humaine.

Nathalie Becker, janvier 2020
« Pina 4 » 2018, acrylique sur toile, 80x 120, détail