Les sculptures d’Hugo Bel
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Presse28.11.2022
Que l’on ne se méprenne pas, cependant. Si le processus est premier, son résultat n’est cependant pas négligé. Il faut que le hasard fasse bien les choses, comme le rappelle le dicton populaire. Si la forme résultante ne présente pas des qualités plastiques que l’artiste juge convaincantes, il la détruit et recommence, comme l’évoque Dubuffet dans la citation en exergue à ce texte. En aucun cas, le lâcher-prise ne serait un laisser-aller. Ainsi, Hugo Bel m’a avoué s’y être repris à cinq fois avant de trouver la forme qui lui convenait pour le lit de son Stalker.
Dans cette même exposition, l’artiste montrait quelques bustes réalisés selon un procédé identique et présentés sur des étagères, comme dans une très sérieuse glyptothèque. À bien les observer, ainsi que ses autres œuvres en volume, on se rend compte que la démarche d’Hugo Bel est triplement transgressive. 1. Tout d’abord, la sculpture a toujours visé à une forme de pérennité, même si sa perception et le jugement esthétique porté sur elle a évolué dans le temps. Ainsi, les chefs-d’œuvre de la statuaire grecque que nous admirons dans nos musées étaient, à l’origine, peints de couleurs vives que nous jugerions très kitsch avec les critères de jugement d’aujourd’hui. Imaginons la Vénus de Milo, avec ses bras, peinte de façon naturaliste et couverte de parures et de bijoux, ou les frises du Parthénon coloriées comme une succession de cases d’une bande dessinée de notre époque… 2. Ensuite, le moulage sur nature a longtemps été considéré comme relevant de l’artisanat et non de la pratique artistique. On se souviendra du scandale provoqué par la sculpture d’Auguste Clésinger Femme piquée par un serpent, 1847, qui avait utilisé un moulage sur nature du corps d’une femme, d’une demi-mondaine[10], de surcroît, pour la réaliser… 3. Enfin, la qualité de la surface et de sa patine ont longtemps eu une importance cruciale dans la sculpture. Hugo Bel n’y attache aucune importance, préférant mettre en évidence les aléas de la création de l’œuvre, sans y apporter la moindre correction…
Cette série de personnages en sucre massé avait été précédée de deux autres installations désignées sous le titre de Paysage scénique. Le Paysage scénique #2 – Le déjeuner sur l’herbe, 2021, se présentait comme des meubles – table, chaises, lampadaire – et des éléments d’un service de table recouverts d’un maillage de plâtre blanc déposé, comme une meringue avant cuisson, avec une poche à douille. Le tout situé en extérieur, donc soumis aux rigueurs climatiques. Toute présence humaine y était fossilisée pour laisser place au silence de l’absence, à une mise entre parenthèses de toute activité humaine, à une cristallisation du temps… Le Paysage scénique #1, 2020, proposait, à Montpellier, une déambulation dans ce qui s’apparentait à un décor de théâtre. Au premier plan, le moulage, en sucre, d’une grille en fer forgé, avec des incrustations de verres dépolis. À l’arrière-plan, une plaque de sucre de 100 kg suspendue par quatre ficelles prises dans l’agrégat du sucre, avec neuf fleurs de tournesol desséchées incrustées – fossilisées, pourrait-on dire – dans la masse. Entre les deux, sur une étagère fixée au mur, une petite verrerie soufflée en opaline translucide… L’atmosphère et la lumière des Tournesols de Van Gogh y étaient délicatement suggérées, sans recourir à la citation ni à l’imitation ni même au registre chromatique du peintre puisque les fleurs étaient devenues noires, comme le Soleil noir de la Mélancolie[11] de Nerval.
Plus récemment, au printemps 2022, lors de son exposition personnelle dans la galerie Lou Carter, à Paris, Hugo Bel proposait une variation, de dimensions réduites, de son Paysage Mental, 2021, pensé pour la cour centrale du Castelet, ancienne prison Saint-Michel de Toulouse. Cette pièce monumentale quadrangulaire se présente comme une sorte de mastaba gris et noir dont les entrées auraient été occultées par des meubles en bois, affleurant à la surface de la construction. Les parois sont constituées de boudins de plâtre naturel teinté – on pourrait penser aux colombins des céramistes – extrudés à l’aide d’une poche à douille et superposés. Leurs lignes sinueuses confèrent aux quatre murs extérieurs un aspect mouvant, comme la trace des ondes créées par une pierre jetée dans une mare, mais aussi au caractère statique de coulées de lave refroidie. Le regardeur ne peut s’empêcher de projeter son imagination vers l’intérieur de cette structure qui fait écho aux cellules occupées, autrefois, par les prisonniers. Comme s’il s’agissait de contrebalancer cette sensation, les meubles domestiques désuets, prisonniers de la masse sombre et partiellement visibles, évoquent des souvenirs personnels qui permettent d’affranchir la pensée d’une vision trop étriquée, carcérale, de notre environnement.
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